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Une nouvelle méthode de créativité basée sur le potentiel humain, levier de l'innovation

08 janvier 2021 La lettre de XMP-Consult
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Entretien avec Valérie Lejeune par Sarah Yarmohammadi, consultante en stratégie et projets de transformation à SYsolutions.biz

Valérie Lejeune a plusieurs cordes à son arc : elle est de formation initiale ingénieur et docteur en Génie des Procédés de l’Institut National Polytechnique de Grenoble (INPG), puis devenue docteur en Business Administration à Paris School of Business (PSB[1]) et certifiée d’ADAE[2] en tant qu’administratrice indépendante. Elle est passionnée de théâtre, et comme elle aime aller jusqu’au bout de ses passions, elle est actrice ayant suivi une formation complète aux Cours Florent[3] à Paris.

Elle a créé et dirige les collections « Ad Valorem » et « Effervescence » aux Editions L’Harmattan.  « Le monde et la gouvernance des ETI[4] » est son dernier ouvrage dont elle est co-auteur.

Tout au long de son parcours, Valérie Lejeune a marié la recherche et l’enseignement universitaire avec des interventions sur le terrain en apportant ses conseils aux entreprises de toutes tailles et tous secteurs. Forte de ses 25 années d’expérience, elle a mis au point la Méthode ACTInG©, Attitudes for Creative Thinking In Group.

Je fais équipe avec Valérie Lejeune dans des travaux de recherche en sciences de gestion notamment en lien avec l’intelligence collective, la créativité et l’innovation. J’ai eu l’opportunité d’expérimenter la Méthode ACTInG© lors d’un atelier qu’elle a animé directement. Dans ce numéro de la Lettre, il est fort à propos de vous proposer un entretien exclusif avec une créatrice d’une méthode en créativité. L’entretien ci-après s’est déroulé en décembre 2020. Bonne lecture !

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Dans vos différentes expériences, vous avez croisé le chemin de beaucoup de méthodes. A votre avis, qu'est-ce qui motive l'utilisation d'une méthode?

C’est un guide qui nous permet d'arriver à un livrable.

A quel moment peut-on considérer que l’on a créé une méthode ?

C’est lorsque l’on voit que l’on peut reproduire et déployer cette façon de faire, ce guide ou ce process, sur une large population.

Comment on peut dire qu’une méthode va pouvoir durer dans le temps ?

Il faut avoir en tête qu’il y a le process mais aussi de la matière, des utilisateurs et des animateurs qui participent. Dans la Méthode ACTInG©, la problématique est la donnée de base sur laquelle l’on vient greffer des émotions, de l'imaginaire… avec une dose de théâtre. Le but de ma recherche, c'est de mettre en lumière le modèle scientifique qui est derrière la méthode. Pour ce faire, l'expérience sur le terrain des entreprises me permet de réfléchir. Le modèle scientifique pourrait être l’équation qui régit la méthode. Et de là, une fois que l’on a bien cerné le modèle, la méthode devient solide.

Cela veut dire que pour qu’une méthode ne reste pas juste un usage limité, il faut faire un pas en arrière, voir la big picture, l’analyser et la décortiquer afin de comprendre le fondement. Le modèle est le motif essentiel, la représentation simplifiée des choses vue de dessus : qu’est-ce qui fait sens ? Qu'est ce qui va donner l'articulation clé ? Qu’est-ce qui va créer le mouvement ?

Est-ce que c'est à un moment précis où l’on voit apparaître la méthode ? Par exemple, ayant répété le même chemin que l’on se dit « ce chemin là, je peux l'indiquer aux autres, c’est devenu une méthode » ? Et cela, ça apparaît d'un coup ou bien cela se passe autrement ?

En pratiquant, on se rend compte que l’on tient quelque chose qui pourrait être utilisé dans différents cas de figure, pour différents publics. Et puis, en même temps, il y a les récepteurs.

Et le rôle de ces récepteurs ? A quel point est-ce décisif ?

Les premières fois que j'ai utilisé ma méthode sans savoir que cela en était une, c’était avec des participants, qu’ici je nomme les récepteurs. Ils font partie de l'expérience créative et finalement, c’est eux qui m’ont aidée à co-créer la méthode. Puis après, en frottant la méthode à différents publics, j’ai continué à l’affiner.

Dans ce processus de création de méthode, qu'est-ce qui vous a été utile ?

C’était de faire des schémas, mieux des figures, pour représenter le process. Ces figures permettent de s’ancrer puis aident à avancer dans la pratique de la méthode et vers la compréhension du modèle. Une observation sur les figures de la Méthode ACTInG© c’est qu’il n’y a pas de carré, pas d’arrête ; c’est circulaire, fluide, avec des formes symboliques dynamisantes.

L’aboutissement de ces méthodes, peut-il être considéré comme un acte de création ?

Oui. Au départ, cette création n’est pas scientifique. Il faut ensuite aller prouver que derrière une méthode il y a un modèle qui apporte une brique de connaissance nouvelle qui enrichit un domaine en science, en l'occurrence, en sciences de gestion.

Parlons de la Méthode ACTInG©, pouvez-vous présenter la méthode à nos lecteurs ?

Attitudes for Creative Thinking In Group (la Méthode ACTInG©), est une méthode qui permet de produire des idées originales, de délivrer, par rapport à une problématique, des solutions nouvelles, pertinentes et robustes. Pour mener à bien cela, il faut parcourir un process avec différentes étapes : échauffement, présentation de la problématique à résoudre puis l’on entre dans 3 phases : « divergence, entre-deux, convergence » et  finir par la conclusion qui consiste à sélectionner certaines idées à transformer en projets innovants.

Si l’on détaille ces 3 phases ?

Divergence, c’est la continuité de l’échauffement générant beaucoup de matière linguistique. L’entre-deux, c’est beaucoup plus sensible et intelligent : on combine des mots pour arriver à une certaine forme de langage. Ensuite, il faut descendre dans la réalité de la problématique dans la phase de convergence. Chaque phase est abordée avec un état d’esprit différent : la divergence est très mécanique, dans l’entre-deux l’on va utiliser les émotions et dans la convergence, les pieds sur terre, retour à la problématique.

La Méthode ACTInG© s’utilise pour quels types d’utilisateurs ?

Pour tous types d’utilisateurs mélangeant dans une même séance différentes populations, un public interne et externe, tous les niveaux de parties prenantes, mais évidemment, il faut mener une sélection à l’avance en cohérence avec la problématique. La méthode va utiliser le potentiel humain du groupe, idéalement composé de 8 à 10 personnes.

Est-ce qu’elle s’applique dans un secteur ou un cadre spécifique ?

La genèse de la Méthode ACTInG© se trouve dans le secteur papetier où j’ai commencé ma carrière en tant que chercheuse puis responsable innovation. J’ai eu la chance d’expérimenter les réflexions innovantes avec la fibre de cellulose[5], une matière vivante, biosourcée, issue du bois constituant la matière première principale pour fabriquer la « pâte à papier ». Avec mes co-équipiers des projets d’innovation, lorsque nous menions des essais au laboratoire ou sur les machines de fabrication, nous faisions beaucoup appel à notre intuition pour orienter ces essais; il fallait sentir et trouver un sens dans nos démarches. En quelque sorte, nous activions une fibre sensible dans notre intelligence collective pour mener nos expériences sur la fibre de cellulose. C’est là que j’ai commencé à développer la Méthode ACTInG©. Avec du recul, cette façon de procéder m'a amenée à faire le lien entre l’intelligence intuitive et instinctive et les travaux d’Erwin Strauss sur le mouvement et le sens[6]. C’est une méthode qui se base sur des axes universels chez l’humain. Il y a des livrables qui procurent des bénéfices. Cela dégage de la valeur économique et sociale pour des publics différents et l’ensemble des parties prenantes de l’organisation en question. Depuis sa création, je l’ai appliquée dans différents secteurs : industrie papetière et chimique, la défense, la mode, le luxe et les jeux de pari.

Une séance Méthode ACTInG© se prépare comment et combien de temps cela dure ?

Pour une séance qui va durer 1 journée, il faut compter 1 jour de préparation sur-mesure (design) qui consiste à valider la formulation de problématique, connaître ses critères stratégiques de sélection des idées et à identifier les participants.  Ensuite, 1 journée pour transformer une ou deux idées retenues lors de la phase convergence, en pré-projet, ce qui est le livrable de la séance. La partie pratique, dépendant de la problématique et du temps accordé à la créativité, peut aller jusqu’à 2 jours, de même pour la partie transformation.

Concernant les axes émotion, imaginaire, théâtre… sur lesquels la Méthode ACTInG© s’appuie, y a-t-il une nécessité  de niveau de maîtrise pour les participants ? Comment les émotions sont activées ?

Déjà, au préalable, dans la phase de l’échauffement, on fonctionne comme des acteurs avant d’entrer en scène : un exercice à la fois de tête et de corps où avec différents mouvements de rotation, impulsion, ondulation, vibration, les participants s’activent. Évoquant les émotions, on va les utiliser à la façon de Stanislavski[7], c'est-à-dire les émotions sincères. C’est le rôle de l’animateur et des sous-animateurs d’observer l’expérience du groupe et l’orienter d’une étape à une autre.

En conclusion, quelle est la vocation de la Méthode ACTInG© ?

C’est une méthode qui s’intéresse aux acteurs et propose un chemin pour transformer l’entreprise, en créant des idées innovantes ; cette méthode s’utilise pour la transformation culturelle d’une entreprise. En développant les compétences créatives, on va oser se mettre en scène, expérimenter de nouvelles postures managériales, un style de leadership et fonctionner en intelligence collective. L’expérience d’un groupe contaminera et inspirera d’autres groupes plus grands à participer.

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[1] https://www.psbedu.paris/en

[2] https://www.club-adae.fr/

[3] https://www.coursflorent.fr/

[4] Présenté lors du Webinar « Intelligence collective » le 2 octobre 2020 à XMP-Consult. Voir la vidéo du livre ici : https://youtu.be/5lwYyViSldk

[5] Voir « Définition du matériau papier » par Gérard Coste, ingénieur de l'École française de papeterie et des industries graphiques, président de La Cellulose

[6] Straus, Erwin W. 2017. Du sens des sens: contribution à l’étude des fondements de la psychologie.

[7] Stanislavskij, Konstantin Sergeevič. 1984. La construction du personnage: (Building a character). Paris: Pygmalion : G. Watelet.
Stanislavskij, Konstantin Sergeevič. 2001. La formation de l’acteur. Paris: Éditions Payot & Rivages.

 


Télécharger la Lettre de XMP-Consult n°10 (janvier 2021) en .PDF



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