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Entrer dans l'aventure du conseil
Les opportunités et les circonstances de la vie professionnelle, voire les nécessités d’une évolution de carrière, vous ont un jour décidé à proposer vos services aux entreprises en tant que «conseil». Lâcher l’exercice d’une responsabilité hiérarchique au sein d’une entreprise pour entrer dans l’aventure du conseil ne se résume pas simplement à devoir vendre, mission après mission, la qualité de ses acquis. Basculer de l’autre côté du miroir, de l’intérieur à l’extérieur de l’entreprise, demande plus qu’une réévaluation de ses pratiques et de ses repères passés. Cela demande l’apprentissage de quelque chose de neuf. L’apprentissage pratique de la singularité du conseil externe. C’est la condition pour que le choix de s’engager dans le conseil devienne porteur d’avenir et non d’impasses dans la suite de son activité professionnelle. Dans ce bref document, je distingue le conseil des autres formes de prestations qui lui sont proches, avant de proposer une manière d’entrer dans ce métier, à mi-parcours de sa carrière. C’est l’occasion, à la fois, de souligner quelle est la singularité du conseil, celle qui fonde sa valeur particulière pour l’entreprise, et de montrer comment instituer une relation de conseil, en suivant une démarche initiale pratiquement inverse du mouvement habituel suivi pour commercialiser, vendre et produire d’autres formes de prestations. La matière de ce document est faite des enseignements tirés de ma pratique du conseil, après avoir moi-même opéré ce basculement, de la position de dirigeant interne à celle de conseiller externe, il y a plus de 15 ans, et d’y avoir trouvé la source de beaucoup de plaisir et de satisfaction.
Ce qu’il y a de nouveau
En débutant le conseil à mi-carrière, fort des connaissances, de l’expérience et de la légitimité acquises par une longue pratique professionnelle dans l’entreprise, on pourrait penser que l’essentiel de l’apprentissage de ce métier est déjà fait. Il ne resterait donc plus qu’à se vendre. Il n’en est rien. Et pourtant ! N’a-t-on pas déjà fait du conseil interne dans l’entreprise ? N’a-t-on pas, au-delà de son expérience opérationnelle de terrain, tenu des postes et des missions plus marqués par la logique de l’influence et du conseil que par celle de la décision et de l’action hiérarchiques ? Ces expériences et ces savoirs accumulés sont de toute évidence une richesse pour proposer ses services aux entreprises. Cependant, quand, dans la gamme des services possibles, on veut plus particulièrement instituer une relation de conseil avec son interlocuteur, ce n’est pas cela qu’il attend de vous. Il recherche l’indépendance et le décalage créatif de votre regard sur la situation qu’il rencontre dans l’exercice de ses responsabilités. Voilà pourquoi toute cette richesse passée n’a pas besoin de s’étaler au moment d’instituer une relation de conseil avec votre interlocuteur. A trop y revenir, on échappe aux conditions du conseil pour s’orienter vers d’autres formes de prestations.
La position d’extériorité n’est pas propre au conseil, mais elle en est une condition essentielle. Agir de l’intérieur, pour le salarié, reconnu par ses pairs et dont la rémunération est déjà contractualisée depuis longtemps, c’est être déjà là. intégré dans l’organisation et le fonctionnement de l’entreprise, comme une ressource interne. Agir de l’extérieur est, pour le conseiller, plus encore que pour d’autres formes d’intervention, intimement constitutif de l’indépendance de son jugement. Etre extérieur est une condition structurante de la relation de confiance et de la liberté de parole qc ouvriront, cas après cas, la possibilité d’intervenir dans le jeu interne de l’entreprise. De ce fait, la décision d’introduire votre présence dans le jeu de l’entreprise fait événement et amorce concrètement le processus d’efficacité de conseil.
Proposer ses services ouvre toute une gamme de postures possibles
Faire du conseil est proche d’autres postures auxquelles le conseil emprunte parfois dans ses interventions. L’important pour celui qui propose ses services est de bien distinguer de quelle posture majeure relève la problématique posée par l’entreprise et de vérifier qu’elle lui convient. Dès qu’elle est identifiée, c’est sur cette posture qu’il faut bâtir la valeur contributive de la mission qu’on engage.
Petits portraits de famille
Le prestataire de services connaît et fait connaître le catalogue de son offre. Il argumente sur son savoir-faire et sur les caractéristiques distinctives de son offre sur le marché. Il vend des solutions. La définition préalable de son offre de services (de ses produits) est incontournable. Sa part de conseil consiste à customiser son offre pour répondre aux spécificités particulières de son client.
L’expert s’identifie très précisément au champ délimité de son expertise. Il vaut par la rareté de son savoir et par son habilitation à certifier la conformité des systèmes qu’il examine en référence à un corpus de connaissances établi. Il délivre des prescriptions et des certifications.
Le manager délégué prend en main, pour un temps déterminé, une situation opérationnelle avec tous les attributs et les objectifs d’un responsable en poste organique dans l’entreprise. Il est appelé dans des situations d’urgence ou de transition difficile, par défaut de ressource interne équivalente. Il intervient poste pour poste. Il apporte contractuellement une parfaite expérience de la situation et une sur-compétence notoire au regard des exigences standard du poste. Sa mission est double : prendre en main le poste et les objectifs, préparer sa relève (organique) en fin de mission.
Le conseiller, lui, ne sait pas. Il éclaire et fait voir. Sa prestation vaut par le risque qu’il prend de faire surgir un regard neuf, dérangeant, sur les situations complexes et problématiques qu’affronte son interlocuteur. Il formule les mots vrais qui transforment les situations dont il rend compte et le regard qu’on porte sur elles. Il assume par son jugement le risque de déplaire et de payer le prix d’une rupture arbitraire de la relation de conseil. La mission de résolution de problème qui lui est confiée est à la fois la matière contractuelle de sa présence dans le jeu interne de l’entreprise et le support de sa mission de conseil.
Le coach, autre posture très en vogue, ne sera pas caractérisé ici. Nous réservons cela pour une autre fois.
Choisir la posture majeure de son intervention
Pour celui qui se lance dans l’aventure du conseil, son passé en entreprise légitime la dimension d’expert qu’il porte en lui. Il sera plutôt facile de consolider cet acquis. Le défi est donc d’acquérir l’autre dimension, celle du conseil, à l’opposé (dialectique) de celle de l’expert. Toute la question est d’apprécier dans sa propre pratique laquelle des deux postures est majeure, laquelle est mineure et au service de l’autre.
Vendre du conseil
Il ne revient pas au même de vendre une prestation de service ou de vendre du conseil. Regardons-y de plus près. A proprement parler, le conseiller ne vend pas des conseils. Pas très longtemps en tout cas. Des conseils, on les prodigue, on les donne plutôt qu’on les vend. Vendre des conseils, si l’on retient cette expression, est plutôt la caractéristique de l’expert. De l’expert au conseiller, il y a évidemment toute une gamme de prestations. Souvent les missions combinent et l’une et l’autre des deux postures.
En matière de conseil, chercher à vendre un catalogue de prestations est contre-productif. Pour bâtir une relation de conseil, mieux vaut commencer par produire et laisser toutes les autres questions en arrière-plan de ses préoccupations, avant d’y revenir.
Ou, établir une relation de conseil
C’est à la faveur de la production d’une première mission (plus proche de la prestation de services que du conseil) et du recul que l’on prend dans le cours même de la production, que se fait l’apprentissage de la relation de conseil et que s’aguerrit son jugement sur les situations rencontrées. C’est la pertinence de son jugement en situation de production, c’est la clarté de sa parole et la simplicité de sa formulation, c’est la transformation produite par la nouveauté du regard que l’on porte et c’est le déplacement des repères habituels que l’on propose, qui établissent progressivement la relation de conseil entre soi et son interlocuteur, tout en répondant des objectifs de la mission explicite pour laquelle on est payé. Comment s’y prendre ? S’attacher à saisir, au plus près de la situation traitée, quelle est la problématique singulière des situations rencontrées. Expliciter la dynamique de transformation et le déplacement de repères qui sont à l’œuvre dans cette situation particulière. C’est à partir de cette pratique que s’établissent les conditions d’émergence de la relation de conseil, que se tisse la confiance qui en est le germe.
Décrocher la première mission
Cela passe impérativement par une rencontre avec un commanditaire potentiel. Voyons comment y réussir. Inventoriez toutes les relations que vous pouvez solliciter sur la foi d’un tiers commun dont la référence vous vaudra le crédit d’un rendez-vous. Rencontrez les personnes qui disposent du pouvoir d’engager les concours externes nécessaires pour conduire leurs affaires et résoudre les problèmes rencontrés. C’est auprès de ces dirigeants-là que vous identifierez votre première opportunité de mission. Commencez par écouter, par apprendre de votre interlocuteur. Cernez et confirmez avec lui les problématiques qu’il rencontre. A-t-il déjà choisi une approche de résolution de ces problèmes ou cherche-t-il encore ? Levez la question. Prenez l’initiative de conclure l’entretien, annoncez un retour rapide par un écrit synthétique sur les points qui ont soulevé son intérêt. Mieux encore, amenez votre interlocuteur à vous demander quelles seraient vos propositions d’approche pour la résolution des problèmes évoqués au cours de l’entretien.
Enfin, positionner son approche commerciale.
Résumons, dans l’ordre de leur mise en place, les trois premiers piliers du lancement de son activité de conseil :
- Produire les premières missions (gagnées sur des opportunités relationnelles) en explicitant la dimension conseil qu’elles comportent.
- Définir l’articulation contractuelle des futures propositions de missions de conseil pour lesquelles vous serez sollicité, sur la base de l’expérience précédente.
- Formaliser les savoir-faire acquis et clarifier le positionnement que vous voulez défendre à partir du bilan des premières missions réalisées.
Cette manière de construire son approche commerciale à rebours, par touches progressives, en plongeant d’entrée dans l’action, est particulièrement adaptée pour que le choix du conseil devienne porteur d’avenir et non d’impasses, dans la suite de votre activité professionnelle..
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