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Les zones rurales : un terreau d'innovations pour la mobilité
Les zones rurales sont jusqu’à maintenant restées globalement à l’écart des évolutions de comportement en matière de mobilité. Elles représentent pourtant un enjeu crucial pour l’amélioration de la performance environnementale des transports au niveau national, et des réformes introduites récemment visent à mieux y organiser la mobilité. Cela pourrait permettre la création et la diffusion de nombreuses innovations.
Les zones rurales : des enjeux majeurs mais une évolution trop lente
Les zones rurales apparaissent, a priori, comme le royaume de la voiture individuelle, seul moyen de transport à même d’assurer une mobilité individuelle suffisante en l’absence d’effets d’échelle suffisants pour permettre l’émergence de transports collectifs. Les zones rurales se caractérisent en effet par une faible densité de population et de longues distances parcourues : la distance moyenne domicile-travail dans les territoires ruraux serait ainsi de 20 km. La raréfaction des commerces et des services administratifs et médicaux dans les communes les moins peuplées semble également rendre souvent indispensable de disposer d’une voiture.
Ainsi, la part de la voiture est restée remarquablement stable sur la dernière décennie dans les zones rurales et dans les petites agglomérations, et la voiture représente toujours environ 80% des déplacements en zone rurale (Figure 1). En revanche, la part du transport en commun et de la « mobilité active » (marche à pied et vélo) a significativement augmenté dans les agglomérations plus grandes entre 2008 et 2019, passant de moins de 60% à presque 70% sur la période en agglomération parisienne. Alors que la marche à pied est devenue le mode de transport numéro un, devant la voiture, en agglomération parisienne, la situation semble donc évoluer beaucoup plus lentement en zones rurales.
Cette situation figée est en contradiction avec les objectifs affichés depuis au moins dix ans par la politique des transports. Celle-ci vise en effet à promouvoir une complémentarité entre modes de transports individuels et collectifs, dans une « logique intermodale », en gardant à l’esprit la limitation des émissions de polluants et de gaz à effet de serre.
L’enjeu de la mobilité en zone rurale est considérable car entre 40% et 60%, selon les définitions, de la population de France métropolitaine vit dans les territoires périurbains et ruraux. Cette proportion pourrait même augmenter les prochaines années du fait du phénomène d’ « exode urbain », qui a été amplifié par la pandémie : la province et les zones périurbaines ont le vent en poupe.
Conséquence logique de l’importance démographique du monde rural, le trafic de voitures dans les territoires périurbains et ruraux représentait 40 millions de tonnes de CO2 en 2012, soit environ un tiers des émissions totales de gaz à effet de serre du transport routier.
Les Français vivant dans l’espace rural ont un niveau de vie médian presque identique à celui des Français vivant dans l’espace urbain, malgré la présence de zones rurales isolées où le niveau de vie est plus faible. Contrairement aux idées reçues, le taux de pauvreté est même plus élevé de 20% en ville par rapport aux campagnes, une différence encore renforcée en Île-de-France. L’espace rural présente donc des disparités moins importantes au sein de sa population que l’espace urbain.
Les politiques publiques s’emparent enfin du sujet
L’absence de changement de comportement de mobilité dans le monde rural peut s’expliquer, au moins en partie, par une coordination des autorités publiques insuffisante jusqu’à récemment pour faciliter la transition des mobilités dans le monde rural.
En effet, avant 2015, le monde rural ne connaissait pas d’équivalent au « plan de déplacements urbains », dispositif de coordination des autorités publiques (collectivités…) établi obligatoirement dans les grandes agglomérations par une « autorité organisatrice de la mobilité ».
La prise en compte des enjeux spécifiques de la mobilité dans le monde rural s’est faite en deux temps. La loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte introduit des « plans de mobilité rurale » pour faire pendant aux plans de déplacements urbains. La loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (dite loi LOM) va plus loin en fixant pour objectif que l’ensemble du territoire national, et non plus seulement les grandes agglomérations, soit couvert par une autorité organisatrice de la mobilité locale. Cette dernière peut être une communauté de communes, un regroupement de communautés de communes (syndicat mixte ou pôle d’équilibre territorial et rural), ou à défaut la Région.
Les communautés de communes, qui devaient demander à prendre cette compétence de mobilité, ont souvent fait ce choix dans la moitié Nord et l’Est de la France, moins souvent dans certaines Régions du Sud et de l’Ouest (Occitanie, Centre-Val de Loire, Nouvelle Aquitaine, Auvergne-Rhône-Alpes). Dans ce dernier cas, ce sont donc les Régions qui ont récupéré la compétence pour une grande partie de leur territoire.
Vers de nouvelles innovations
Les autorités organisatrices de la mobilité disposent de nombreuses compétences pour agir sur leur territoire. Elles peuvent organiser des services de mobilité de manière directe, par exemple des services publics de transport réguliers ou à la demande, mais aussi un service de covoiturage ou de location de vélos. Elles peuvent aussi intervenir de manière indirecte, par exemple par des subventions à des opérateurs ou le financement d’aménagements tels que des bornes ou des emplacements dédiés à l’autopartage.
Les autorités organisatrices de la mobilité peuvent aussi organiser ou subventionner des services de mobilité solidaire, permettant à tous les publics de bénéficier d’une mobilité adaptée, ou encore le transport scolaire. Enfin, elles peuvent organiser des services de transport de marchandises et de logistique urbaine, s’il s’avère nécessaire de pallier l’inadaptation de l’offre privée.
La mise en place des nouvelles autorités organisatrices de la mobilité devrait permettre de renforcer et de diffuser les nombreuses initiatives déjà existantes, y compris en milieu rural. Parmi les initiatives récentes qui pourraient les inspirer, la communauté de communes Saône Beaujolais a créé une Voie verte du Beaujolais sur l’emprise d’une ancienne voie ferrée. La communauté de communes de la Plaine de l’Ain a créé un « bouquet de mobilité » comprenant covoiturage, autopartage, auto-stop organisé et location longue durée de vélos pour desservir un parc industriel de 180 entreprises et 7000 salariés, qui ne bénéficiaient d’aucun moyen de transport en commun. Le Parc naturel régional des Grands Causses, quant à lui, a mis en place une offre de mobilité globale et coordonnée sur son territoire, avec notamment une optimisation du cadencement des transports en commun, et la mise en place de stations multimodales rurales.
La plateforme France Mobilités (www.francemobilites.fr) recense un grand nombre d’innovations dans la mobilité rurale comme urbaine. Elle permet aux collectivités concernées, mais aussi aux autres publics, de consulter les initiatives prises au niveau local, de s’informer sur les produits, services et technologies disponibles et d’accéder à des ressources sur, notamment, les marchés publics et le financement.
Il reste donc à voir si cette nouvelle structuration des politiques de mobilité produira l’effet de catalyse des innovations tant attendu !
Avec la participation de : Claude Bardy / Daniela Rusu / Damien Ribon
Télécharger la Lettre de XMP-Consult n°13 (janvier 2022) en .PDF |
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Pour en savoir plus :
- Objectifs de la politique des transports : Articles L1111-1 et L1211-3 (entre autres) du Code des transports.
- Rapport « Les nouvelles mobilités dans les territoires périurbains et ruraux », mission présidée par Olivier Paul-Dubois-Taine, Centre d’analyse stratégique (2012).
- Veille presse « L’exode urbain et l’attractivité de la campagne », Zoé Giordana, POPSU (2021).
- Article « Les chiffres de la pauvreté en France : ville ou campagne ? », Aurélien Boutaud, Millénaire 3 (19 mai 2017).
- rticle « Villes, périurbain, rural : quels sont les territoires les moins favorisés ? », Observatoire des inégalités (18 septembre 2014).
- Informations sur la Loi Mobilités et son application : www.francemobilites.fr
- Autres sources d’informations : www.ademe.fr, www.cerema.fr, www.insee.fr
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