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Les partenariats sont-ils un enjeu majeur dans le monde actuel ?

12 octobre 2020 La lettre de XMP-Consult
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Travailler en partenariat est à mon sens souvent nécessaire. Pour quelles raisons ? Qu’est ce qui me fait dire cela ? J’entends autour de moi que c’est difficile, que ça ne marche jamais, qu’au final ce n’est pas la meilleure solution. Et pourtant, j’ai envie de me lancer dans cette belle aventure du partenariat. Je crois dans la force collective. Pour moi un plus un font trois. Quand j’affirme cela avec certitude, on ne pense pas que je suis ingénieur, ni docteur ès sciences.

J’ai toujours travaillé sur des projets complexes et innovants, qui nécessitent des compétences pluridisciplinaires et des expertises pointues dans différents domaines : juridique, économique, architectural, en urbanisme, en ingénierie, en finance. J’aime travailler en réseau et suis à l’aise dans des environnements pluriculturels. Mes domaines d’activités sont les projets industriels, l’aménagement urbain responsable et durable (smart grids et smart cities), l’alignement stratégique des entreprises autour de la RSE, de l’innovation, la R&D et les projets collaboratifs.

Je voudrais illustrer mes propos à partir de trois exemples de partenariats issus de mon expérience professionnelle.

Mais tout d’abord, qu’est-ce que c’est le partenariat ? Pour moi le partenariat est une « association active de différents intervenants, qui tout en maintenant leur autonomie, acceptent de mettre en commun leurs efforts en vue de réaliser un objectif commun relié à un problème ou à un besoin clairement identifié, dans lequel, en vertu de leur mission respective, ils ont un intérêt, une responsabilité, une motivation, voire une obligation ». Dans cette définition, chaque mot est important. Rien n’est superflu. Car si l’on enlève certains mots, ce n’est plus un partenariat.

Mon premier exemple porte sur un maitre d’ouvrage public souhaitant réaménager son territoire. Il fait appel à un assistant à maitrise d’ouvrage (AMO), pour l’aider à structurer son projet, sa stratégie et l’accompagner tout au long de la réalisation du projet. En effet, cette mission d’AMO est essentielle pour apporter des compétences techniques, mais également des expertises économiques, financières et juridiques pour le montage et la mise en œuvre concrète du projet.

Le maitre d’ouvrage public a lancé l’appel d’offres lui permettant de trouver la perle rare ou le mouton à cinq pattes. J’ai décidé de répondre et je sais que je n’ai qu’une partie des compétences, tout en ayant une bonne vision globale du projet.

Comment je m’y suis prise pour trouver les bons partenaires ? Le temps est compté. Le compte à rebours commence…

Premièrement j’ai identifié les compétences et les références qui me manquaient, puis recherché les partenaires les plus compétents, sous contraintes de temps et de budget. En effet, pour l’appel d’offre publique le prix est un critère de choix important. Il ne suffit pas de faire la meilleure proposition méthodologique. La maîtrise de chaque compétence demandée est indispensable, ainsi que les références pouvant le démontrer. L’interdépendance des aspects techniques, économiques, financiers et juridiques est forte. Une parfaite compréhension entre les différents experts métiers, utilisant chacun leur langage spécifique, est nécessaire, afin de répondre d’une manière cohérente et précise aux attentes du client, exprimées au travers du cahier des charges et autres documents de la consultation. J’ai clarifié qui fait quoi oralement, puis par écrit sous forme d‘organigramme projet et de mission. Chaque membre du groupement a donné son accord sur ce mode de fonctionnement. Cet engagement autour d’objectifs communs est essentiel.

Deuxièmement, j’ai appris à fonctionner en mode collaboratif, car le fonctionnement en « silos » induit des risques importants pour le client et pour sa propre structure. Afin de répondre aux enjeux collectifs exprimés par le maitre d’ouvrage, une parfaite compréhension des besoins de chacun est nécessaire. L’organisation est indispensable.

Nous avons décidé ensemble dès le départ de la répartition financière. Nous avons décidé ensemble d’un calendrier de rédaction de la réponse à l’appel d’offre, en fonction de nos agendas et du temps court imparti pour répondre. Chacun a rédigé sa partie, en partant d’une trame que j’avais proposée, et j’avais finalisé la cohérence globale de notre offre (je suis cotraitant et nous avons un sous-traitant). Nous avons soumis l’offre, puis l’avons gagnée. Une belle réussite collective.

Troisièmement, j’ai commencé la mission en faisant une réunion de lancement en groupement et avec le client, afin d’apporter les clarifications et ajustements de la mission. Cette première étape de cadrage de la mission et des attentes du client, fut aussi l’occasion de présenter l’équipe intervenante, de faire connaissance, de se mettre d’accord sur les modalités de fonctionnement, afin de gagner en efficacité. 

Je reste en contact tout au long de la mission avec le client et les membres du groupement, en faisant de points téléphoniques réguliers et des réunions si besoin. Avec les outils informatiques et les applications numériques, nous avons la possibilité de travailler à distance, ce qui est bien utile lorsque l’on est empêché de se déplacer (grèves de décembre 2019, COVID19). Cependant, les déplacements sur place sont nécessaires pour bien mesurer les contraintes locales, pour rencontrer d’autres parties prenantes du projet et pour lancer le chantier. Et surtout, pour tisser du lien tout au long du projet, pour renforcer le partenariat.

J’ai appris que pour remporter des marchés publics innovants, complexes ou de plus grande taille il est nécessaire de répondre en partenariat. On n’a pas toutes les compétences, ni toutes les références nécessaires ! L’union fait la force.

J’ai également appris que pendant l’exécution du contrat il était important de

  • Présenter au client l’équipe projet (qui fait quoi) en toute transparence et simplicité.
  • Créer une relation de confiance et un environnement apprenant.
  • Fédérer autour de notre objectif unique qui est la réussite du projet dans les délais impartis.
  • Clarifier dès le départ le mode de communication entre membres du groupement et avec le client. Ne pas surcharger de mails inutiles ni le client, ni le groupement (1 mail = un objet dans le titre du mail + une question + PJ). Utiliser le téléphone et les messages courts de type SMS ou collectifs (WhatsApp, …), pour fluidifier la communication.
  • Utiliser un espace partagé dédié aux documents essentiels de la mission.
  • Instaurer un espace de dialogue et de partage, afin de favoriser une démarche proactive et l’intelligence collective.

Mon deuxième exemple porte sur les « partenariats d’innovation [1]». Le partenariat d’innovation est un nouveau type de marché public (2016), issu des directives européennes, facilitant la passation de marchés publics à visée innovante. Il permet de pallier aux difficultés structurelles des marchés de recherche et de développement (R&D) et de stimuler l’innovation en faisant une meilleure utilisation stratégique afin d’acquérir les produits, des services ou des travaux innovants qui sont le résultat des travaux de recherche appliquée à une problématique industrielle.

Qui dit recherche appliquée, dit laboratoires universitaires, dit monde académique et fonctionnement si différent de celui des entreprises privées. Des mondes qui ne se parlent pas et pourtant qui ont tant de choses à se dire. Ancienne chercheuse[2], je me sens très à l’aise dans l’univers de la recherche et de l’innovation. Faire le pont avec les entreprises privées, dans lesquelles j’évolue depuis plus de 20 ans, me paraissait naturel. C’est dans cet état d’esprit que je me suis lancée à répondre aux Appels à Projets, en proposant des programmes de R&D collaboratifs. Certains projets ont été labellisés dans des pôles de compétitivité[3]. Le partenariat d’innovation va encore plus loin, car il permet la mise en place des solutions innovantes développées dans le cadre de la première étape de R&D du partenariat. La sélection du meilleur projet se fait au fur et à mesure des solutions innovantes explorées par les différents groupements sélectionnés.  Le maitre d’ouvrage est gagnant puisqu’il pourra affiner, toute au long de cette procédure, la solution innovante qui répond le mieux à son besoin et la faire mettre en place par ceux qui l’on développée, réduisant ainsi les risques d’exécution. Le partenariat qui s’établit entre les membres du groupement est essentiel à la réussite du projet. 

Mon expérience sur ce type de partenariat, m’a appris que dans un milieu pluriculturel, la phase de préparation est essentielle. Chaque membre du groupement a besoin de comprendre son rôle, ainsi que les besoins des autres membres. Une cartographie des compétences nous a été utile. Nous avons établi une matrice SWOT[4] qui nous a bien aidé pour positionner notre projet. Les partenariats d’innovation sont des projets de longue haleine. L’endurance est indispensable pour arriver au bout du projet. Cette qualité humaine est à la fois nécessaire en phase de négociations, mais aussi sur toute la longueur du projet. Travailler d’une manière collective impose un dépassement de soi au quotidien, car chacun donne le meilleur et reste dans une posture d’apprentissage. Enfin, la transparence vis-à-vis du client, permet de tisser des liens de confiance, si utiles pour dépasser toutes les étapes.

Un troisième exemple que j’aimerais partager est la co-création d’un Institut de Recherche publique privé, avec un actionnariat comprenant 28 partenaires :

Deux défis supplémentaires apparaissaient :

> Faire parler le monde des labos de la recherche académique avec celui des grands groupes et celui des PME et ETI de l’ingénierie (sociétés fortement concurrentes entre elles).

> Gérer les problèmes de propriété industrielle, sujet si sensible.

Mon expérience m’avait apprise que plusieurs éléments étaient essentiels pour la réussite d’un tel projet.

  • Les clarifications de début sont la clé du succès de la mission et il faut y consacrer le temps nécessaire, afin que chaque partenaire soit à l’aise avec sa mission et son enveloppe budgétaire et qu’il puisse assumer ses risques.
  • Les valeurs partagées tout au long d’un projet sont une vraie force qui aide à dépasser les moments les plus difficiles et tendus.
  • Bien connaître ses partenaires est important. Il est indispensable de tisser des relations de confiance et d’entraide.
  • Travailler d’une manière collégiale même avec ses concurrents. Partager l’information et les astuces pour améliorer le fonctionnement. Être dans un état d’esprit apprenant tout au long du projet.
  • Désamorcer les tensions (inhérents à chaque projet). La bonne humeur fait des miracles.
  • Donner pour recevoir.

Avoir travaillé dans les trois types de structures et bien connaître le fonctionnement de chacune d’entre-elles, ainsi qu’avoir réalisé et piloté des projets innovants complexes ont été des atouts importants pour réussir à mener à bien ce projet.

Plusieurs enseignements que j’ai pu tirer de ce projet me paraissent importants pour la réussite des partenariats.

  • La clarification le plus en amont possible de qui fait quoi et pourquoi (en dépit d’un programme de R&D qui avait l’air d’être clair pour tous) est indispensable.
  • Un problème pluridisciplinaire mérite d’être explicité. Nous avons pris le temps d’ajuster le vocabulaire utilisé, de créer un glossaire qui s’est avéré fort utile.
  • Signer rapidement les accords de confidentialité (avec très peu de marge de négociation), afin que chacun soit à l’aise dans ses échanges avec les autres.
  • Clarifier le projet de R&D qui nous unit et démontrer à chacun qu’il ne peut réaliser qu’une partie tout seul, ce qui est insuffisant pour progresser et dépasser les freins. Ajuster le projet afin que chacun s’y retrouve et créer un environnement apprenant.
  • Bien faire comprendre ce que fait l’autre et comment l’aider et y contribuer (casser les silos, organiser des ateliers, des groupes de travail sur des thématiques transversales, des réunions mensuelles de présentation des résultats et des besoins). L’intelligence collective nous a bien aidé pour résoudre les problèmes aux frontières, capitaliser les acquis sectoriels et trouver des nouveaux leviers d’action.
  • Créer des temps forts hebdomadaires, puis des évènements mensuels, biannuels et annuels pour créer et renforcer les liens.
  • D’une façon générale il était important de créer du lien et de la convivialité au quotidien, pour favoriser les échanges et la collaboration.

En conclusion, pour moi, le partenariat nécessite un état d’esprit collaboratif, de l’empathie et une volonté de comprendre les besoins de l’autre, pour mener à bien un projet stratégique commun. La confiance qui s’installe et qui grandit est un facteur clé de réussite, tout comme l’engagement de chacun des partenaires. A mon sens, le partenariat c’est un signe de maturité et de respect réciproque.

Cristina Valean
cristina@frenchinnovation.com
https://www.linkedin.com/in/phd-cristina-valean-a4737a155/

 

[1] https://www.economie.gouv.fr/daj/partenariat-innovation-2016
[2] Ecole des Mines de Paris / Renault / ADEME / Degrémont-SUEZ
[3] Axelera
[4] SWOT (Strengths - Weaknesses - Opportunities – Threats)

 


Télécharger la Lettre de XMP-Consult n°9 (octobre 2020) en .PDF




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