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Les méthodes dans la transformation digitale
Dans l’univers des systèmes d’information, mon domaine de prédilection, il existe pléthore de méthodes, processus, cadres de référence, référentiels de bonnes pratiques pour répondre aux besoins de gestion de toutes les activités associées à la création et de gouvernance du SI.
Pour bien cadrer le sujet, commençons par une rapide présentation du terme :e mot méthode vient du grec ancien μέθοδος (methodos) qui signifie la poursuite ou la recherche d'une voie pour réaliser quelque chose. Les définitions du Larousse précisent cette description :
- Marche rationnelle de l'esprit pour arriver à la connaissance ou à la démonstration d'une vérité : La méthode se différencie de la théorie.
- Ensemble ordonné de manière logique de principes, de règles, d'étapes, qui constitue un moyen pour parvenir à un résultat : Méthode scientifique.
- Manière de mener, selon une démarche raisonnée, une action, un travail, une activité ; technique : Une méthode de travail. Les méthodes de vente
- Ensemble des règles qui permettent l'apprentissage d'une technique, d'une science ; ouvrage qui les contient, les applique : Méthode de lecture.
La figure ci-dessous mentionne quelques-uns des « guides » compatibles avec ces définitions parmi les plus employées dans les 30 dernières années pour couvrir l’ensemble des activités associées aux systèmes d’information:
On retrouve ici toute la boite à outils pour l’analyse fonctionnelle et technique, l’architecture du SI, la gestion de projet, la gestion de production, de gestion de la sécurité, la gouvernance globale du SI qui ont concouru au développement des systèmes d’information …
La création de ces pratiques a été rendue nécessaire par la croissance exponentielle des usages et la multiplication des technologies associées. On pourrait donc penser qu’il existe aujourd’hui toutes les méthodes et bonnes pratiques, reconnues sur le marché, pour garantir une gestion optimale de toutes les activités associées aux systèmes d’information, et donc tous les outils pour assurer la transformation numérique des entreprises. Et donc que la mise en application de ces méthodes, pilotée par la mission de conseil adaptée, conduit à la bonne exécution de l’activité concernée.
Mon propos s’appuie sur une étude que j’ai réalisée sur les pratiques et méthodologies employées dans le cadre de la transformation numérique des organisations. J’y présente deux visions de la transformation : la stratégie et les méthodes des Etats pour la mise en place de E-gouvernements, et les entreprises pour la transformation digitale de leurs activités.
Pour illustrer la stratégie de transformation des Etats, j’ai retenu une étude comparative récurrente sur 121 pays proposée par le World Economic Forum depuis 2000, basée sur un cadre méthodologique (le Network Readiness Index) portant sur des critères technologiques et socio-économiques[1]. Cette étude met en évidences 2 triptyques interdépendants qui vont impacter l’ensemble de l’environnement socio-économique des Etats :
Les stratégies employées pour atteindre l’objectif nécessitent de considérer quatre grands piliers : les technologies, la population (incluant les usages), la gouvernance, les impacts.
Ces différents indicateurs, tirés d’un ensemble de sources techniques et socio-économiques, proposent un cadre d’analyse standardisé de transformation digitale. Il est publié à intervalle régulier depuis 2000 (2 à 3 ans) et permet d’identifier l’évolution de la maturité des états
Voici en exemple un des indicateurs pour la France[2] :
On retrouve ce type d’approche globale dans les principes fondamentaux de l’architecture d’entreprise, qu’on peut présenter comme une pratique permettant de contextualiser l’usage des differentes « méthodes » en fonction des differents points de vue nécessaires pour aborder un chantier de transformation. J’ai identifié plusieurs publications complémentaires indiquant que les pays les plus performants dans ce classement s’appuient sur les principes directeurs de l’architecture d’entreprise pour établir leur stratégie de modernisation et le développement des E-gouvernements.
Elles identifient entre autres les bénéfices suivants :
- Une meilleure interopérabilité
- L’élimination des projets redondants
- Une meilleure réutilisabilité
- Une meilleure collaboration inter-gouvernementale,
- Le renforcement de l’alignement IT et « Business »
- Une meilleure valorisation des efforts de conception d’E-Gouvernements,
- Au profit des citoyens, des entreprises et des administrations
On peut donc démontrer que, au niveau des états, l’usage de méthodologies basées sur la mise en place de normes, standards, règlementations et cadre de référence fonctionne pour proposer des bases solides pour le développement des économies digitales et des échanges internationaux.
Les bénéfices identifiés dans le tableau précèdent paraissent transposables à tous types et tous niveaux d’organisation publiques ou privées, et l’approche basée sur les principes de l’architecture d’entreprise employée est structurante, pertinente et basée sur une communauté dynamique (portée en grande partie par l’Open group actuellement)
Pourtant, plusieurs études montrent de nombreuses expériences de transformation peu satisfaisantes.
Malgré les promesses décrites dans les différentes « méthodes », encore beaucoup de projets n’aboutissent pas, avec un passage complexe entre expérimentation et mise en œuvre effective. Le passage entre l’ancien monde vers un monde de services ouverts apparait pour de nombreuses organisations toujours plus coûteux et complexe. La responsabilité de ces échecs a largement été portée au déficit des DSI, et de leurs méthodes de travail jugées coûteuses, complexes et peu agiles.
Une nouvelle fonction de Chief Digital Officier à forte orientation marketing a été créée dans certaines entreprises, avec l’introduction de nouvelles pratiques agiles en remplacement des méthodes projet traditionnelles, Là encore, il apparait avec quelques années de recul que les nouvelles méthodes et nouveaux rôles n’apportent pas tous les résultats escomptés. On peut même constater dans de nombreuses organisations à un retour en grâce des fonctions de CIO avec des fonctions élargies pour piloter la transformation.
Un des problèmes remonté dans différentes études sur le sujet est le manque de partage d’expérience sur les méthodes de transformations employées au service de la stratégie business, qui peux s’expliquer par la volonté des entreprises de ne pas dévoiler leur stratégie et ne pas communiquer sur leurs échecs et sur les facteurs de succès de leur réussite.
C’est ici que les propositions des cabinets de conseil, très structurées et basées sur les meilleures pratiques et méthodes, peuvent apporter une réelle valeur ajoutée. Malgré cela, si les constats, solutions et trajectoires proposées font souvent consensus, la mise en place et le pilotage de structures organisationnelles et méthodologiques restent difficiles à imposer et généraliser pour toutes les organisations et toutes les parties prenantes.
Trois principales critiques remontent pour décrire ces difficultés :
- L’absence de leadership adapté pour permettre le développement des pratiques méthodologiques de transformation, qui restent fortement associées aux métiers de la DSI. (Ajouté au manque de culture IT au sein des COMEX)
- Une approche et une documentation complexe à comprendre et à réaliser, nécessitant des ressources en nombre pour un résultat jugé peu satisfaisant.
- Des compétences larges et transverses requises pour mettre en œuvre et assurer la généralisation des pratiques à toutes les couches de l’entreprise.
En conclusion, à la question de savoir si la méthode est indispensable pour accompagner la transformation digitale d’une entreprise, la réponse est assurément oui. Mais elle n’est pas suffisante.
il est rassurant de proposer une approche méthodologique structurante basée sur des modèles connus et reconnus en fil conducteur. J’assimile ces pratiques à une métaphore du « code de la route » permettant de partager un cadre, des règles et un langage commun. C’est en général la force des grands cabinets de conseil, qui proposent en un temps record une vision très structurée des actions de transformation à réaliser. Mais il est également important d’être en mesure d’accompagner l’entreprise en adaptant ces méthodes au contexte, aux besoins, aux parties prenantes et au budget. Et c’est là une autre approche moins structurée, plus basée sur les expériences diverses, l’adaptation à la culture de l’entreprise, la compréhension des enjeux cachés, des attentes et des craintes pas toujours alignés sur les objectifs annoncés. Ce sont même des éléments essentiels pour permettre la mise en place d’une démarche plus structurée sur le long terme.
Thierry Rault
https://www.linkedin.com/in/manitis
__________
[1] https://networkreadinessindex.org/2019/
[2] https://networkreadinessindex.org/wp-content/uploads/2020/03/The-Network-Readiness-Index-2019-New-version-March-2020.pdf (p 84)
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