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Le Covid19, une invitation à redéfinir la raison d'être de nos sociétés
Au moment où nous parlions de la raison d’être des entreprises, le Covid19 s’est invité pour nous amener à questionner voire redéfinir la raison d’être de nos sociétés humaines.
Notre société reste profondément humaine
Le temps s’est arrêté, les déplacements se sont arrêtés, les rues sont devenues silencieuses, nous nous sommes retrouvés face à nous, face à notre famille, face à nos voisins, face à notre santé, face à celle de nos être chers et à celle de nous tous.
Nous nous posions la question d’une société tenue par des robots. Le virus nous renvoie à l’espace et au vivant (à l’homme, aux animaux, à la nature, à leur survie, à leur sécurité, à leur santé). Il nous renvoie chez nous, dans notre espace le plus essentiel, dans nos maisons, dans nos quartiers. Il nous montre l’importance des espaces du vivre ensemble, créateurs de liens physiques qui ne peuvent être totalement remplacés par les créateurs de liens virtuels.
C’est l’humain qui nous sauve !
Ni les GAFAM, ni l’arme nucléaire, ni les puissances économiques réunies, ni la performance, ni la compression du temps…ne peuvent nous sauver de ce virus qui agit comme une arme invisible.
A l’ère des réseaux, le virus est un hyper-réseau de transmission et en même temps, nous pousse à couper le lien physique et nous renvoie à nos existences physiques.
C’est l’humain qui nous sauve : les blouses blanches et bleues qui nous soignent, la chaine alimentaire qui nous nourrit, les services d’intérêt public (électricité, eau, assainissement, ramassage d’ordures, police…) qui assurent notre confort indispensable et notre sécurité.
L’économie cette régente de nos sociétés, le travail ce régent de nos vies
On a l’impression que la société est structurée dans un très grand équilibre, cadencé par le travail pour les uns, l’école pour les autres. Le travail, porteur de ressources économiques et de statut social, tient place de « régent ». Nous y entrons et nous nous y soumettons. Tout le reste en découle. L’école n’est qu’une promesse pour un travail futur.
La famille, la vie privée s’y adaptent, s’en accommodent.
Petit à petit ce régent a pris possession de la planète, des pays, de notre santé... Petit à petit, à force de soumission, il est devenu un dictateur pour des bénéfices du marché. On mondialise l’économie et la consommation et on hypothèque la société, la planète et l’humain.
Des coûts de transport excessivement bas et un développement très rapide du digital, ont façonné nos sociétés de travail et de consommation et même nos états. Nous y contribuons tous.
Cependant, il y a peu de gagnants : certains pays (ex. la Chine) et les business models intensifs (ex. GAFAM). Nous sommes tous, nos Etats y compris, leurs serviteurs.
Nous exportons de la technologie de pointe et, pris dans l’engrenage des business models intensifs, nous envoyons de l’argent aux USA pour acheter une salade au coin de la rue grâce à Uber Eats.
Sous la régence de la croissance et de la dette, nous suivons la course avec un sentiment de retards et rattrapages permanents et en sacrifiant l’intérieur (ex. notre système de santé, les inégalités sociales…). Le Covid nous exhorte à reprendre la main.
Le Covid questionne notre modèle de société guidé par la croissance, le chômage et la dette, confié quasi exclusivement aux entreprises comme seul garant, elles-mêmes s’appuyant quasi exclusivement sur la finance.
Il interroge nos réflexes industriels : nous avons suivi sans le questionner le modèle chinois, alors que la Corée du Sud a su mobiliser très vite les capacités de ses innovateurs et industriels (ex. les drive-tests, fabrication de tests en très grande quantité…). Qu’est-ce que cela révèle de nos modèles managériaux et industriels ?
Les dominants de nos modèles mentaux exacerbés[1]
L’économie des KPI exacerbe les dominants de nos modèles mentaux et crée des angles morts. Nous nous occupons des technologies de pointe, de choses importantes. Les masques, les désinfectants, les consommables… ce n’est pas sérieux !
L’économie des KPI crée des modèles mentaux qui n’intègrent pas les interdépendances. Or, le Covid19, hyper-réseau, nous montre qu’elles sont partout.
Le Covid19 est né en Chine, l’interdépendance économique et humaine l’a amené jusqu’à nous. La Chine a une plus grande résilience et c’est elle qui nous apporte des solutions, confirmant ainsi notre dépendance.
Le Covid19 confirme l’interdépendance des critères et, en particulier, les effets du tout économique sur l’environnement, sur l’emploi, sur notre santé, sur nos équilibres sociaux.
Il révèle l’interdépendance des risques : ex. les Etats ont tous pensé « si on a besoin de masques, on n’a qu’à en commander en Chine… ». Et voilà, une crise en Chine et les effets catastrophiques pour nous…
En conclusion
En nous défocalisant, la crise nous permet d’observer nos sociétés, nos états, nos modes de vie, nos entreprises, nous-mêmes. Qu’en ferons-nous ? Le choix nous appartient tant individuellement que collectivement.
Et si la crise était l’opportunité pour repenser ensemble la raison d’être de nos sociétés ?
Ana Semedo // anasemedo75@gmail.com
Télécharger la Lettre de XMP-Consult n°7 (avril 2020) en .PDF |
[1] Mon propos est simplement de faire ressortir quelques traits de nos modèles mentaux encore peu abordés et pourtant importants. Ainsi, par exemple, je n’aborde pas l’incertitude, déjà traitée par beaucoup d’auteurs dont Philippe Silberzahn.
Cet article représente les convictions personnelles de son auteur et n'engage en rien une position de l'association XMP-Consult sur la thématique abordée.
2 Commentaires
Un grand merci pour ce bel article et cette réflexion de fond sur l'état actuel de nos sociétés. J'ajouterais pour ma part au fait que la crise nous permet d'observer mais également d'imposer une prise de conscience de plus en plus collective des dysfonctionnement. Le choix nous appartient, je l'espère, de collectivement développer des nouveaux modèles, sociétaux, environnementaux, industriels, politiques...une large remise en question s'impose. Seul point sur lequel j'aurais une lecture légèrement différente concerne l'humain, oui il joue un rôle essentiel et vital car il sauve des vies mais il est largement aidé par la technologie pour maintenir le lien personnel et professionnel. Sans l'appui des nouvelles technologies beaucoup d'initiatives solidaires n'auraient pas eu la portée que les réseaux sociaux ont su faciliter et démultiplier.
En revanche, je suis parfaitement aligné sur la nécessité de réfléchir à notre souveraineté et le déploiement de certaines technologies d'innovation dont l'IA en fait partie. Merci encore pour avoir ouvert certaine réflexion. Olivier
Concernant l'humain et la techno, si je parle d'interdépendance c'est que j'y crois profondément. Nous avons besoin de techno et continuerons à en avoir besoin, le télétravail et ce qu'il implique en est un exemple. Toute ma vie j'ai suivi et utilisé les avancées de la techno. Donc 1000% d'accord, mais c'est l'un avec l'autre.
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