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Interview Guillaume Mortelier. Directeur exécutif Bpifrance - Accompagnement & Fonds Build-up International
Propos recueillis par Jean-Yves Gilet.
- Les ETI sont réticentes au conseil externe, pourquoi ?
Pour les ETI, on constate schématiquement deux types : celles au capital déjà ouvert qui, par l’exercice des dues diligences, sont habituées à intégrer des conseils dans leurs réflexions et ont souvent des Advisors à défaut d’un Conseil d’Administration ; celles, notamment familiales de première ou seconde génération, avec un CA de 50 à 200 M€, qui sont peu ouvertes au conseil externe, et ce fait faisant perdurer l’existant alors qu’il leur faudrait « passer la marche ».
Pour ces dernières, les réticences sont multiples : le manque d’habitude et le manque de ressources ; l’incapacité à lire dans l’écosystème les conseils qui sont les bons ; et enfin, la difficulté à formuler le cahier des charges, en particulier pour le numérique.
- Quel type de conseil, de formes d’accompagnement ? des cabinets, des consultants indépendants, des administrateurs indépendants, des managers de transition, d’autres acteurs… ?
Pour attaquer les ETI face au conseil, commencer par la stratégie ou l’organisation relève de « l’ascension de la face Nord ». Il vaut mieux viser des sujets concrets : par exemple, un diagnostic type 360°, la RGPD ou les questions opérationnelles (productivité, commercial) sont de bons points d’accroche. Il faut aussi comprendre que le contexte est peu formalisé et qu’il y a un gros travail de recherches de données pertinentes.
Le profil recherché, ce ne sont pas les « gros » cabinets qui peuvent faire peur. Ils préfèrent faire appel à des individus qui savent créer la confiance en proposant un coaching global, des personnes avec expérience managériale (des « cheveux blancs »). Cela fait le pendant avec l’isolement, la solitude qui frappe les dirigeants des ETI ! La recommandation par le réseau des pairs, dont ils manquent souvent, est aussi un facteur important d’approbation pour trier dans l’offre qui se présente.
- Est-ce que les ETI que vous rencontrez ont généralement une gouvernance efficace pour mener les transformations nécessaires ? Est-ce que le patron s’appuie dessus pour rompre sa solitude ?
La pérennité des entreprises, c’est aussi leur gouvernance, pas forcément les Conseils d’Administration qui ont un aspect statutaire et actionnarial : un advisory board avec 1 à 3 personnes sur la durée est plus pertinent.
Nous estimons qu’il y a un gradient d’intensité décroissante et de durée croissante pour l’accompagnement : le consultant indépendant plus ou moins suivi, les administrateurs indépendants d’un Conseil d’Administration, les membres d’un advisory board et enfin le « parrain », sparring partner qui apporte un effet miroir très personnel.
- Quelles sont les finalités et moyens des accélérateurs lancés par Bpifrance ? Quelques mots en particulier sur le choix des prestataires que vous sollicitez
Les promotions de chaque accélérateur regroupent 20 à 60 entreprises. Au début, c’étaient des promotions tous secteurs, on développe de plus en plus des promotions thématiques comme l’aéronautique ou la filière bois avec les organisations professionnelles, ou des promotions régionales avec les Conseils régionaux.
Nous leur proposons un double parcours : un parcours académique avec 12-16 jours de formation (stratégie, Industrie du Futur, international, environnement, gouvernance et advisory boards, …) qui permet aussi un échange d’expériences et une forme de challenge et, pour les ETI, nous organisons aussi des learning expeditions à l’étranger ; un parcours conseil sur 24 mois qui débute systématiquement par un diagnostic 360° réalisé par un consultant externe supervisé par un de nos consultants internes qui permet à ce dernier de bâtir avec le dirigeant un parcours « à la carte » (gouvernance, organisation, stratégie, performance commerciale, efficacité opérationnelle, international, …) sur la base des 25 modules que nous avons définis. Chaque module représente 10 jours de conseil sur 2-3 mois pour un coût de 12.000 €.
L’efficacité vient aussi des consultants que nous choisissons. Nous avons un mécanisme d’habilitation bien établi qui nous procure un vivier d’environ 250 prestataires qualifiés. Ce sont des individus et non des cabinets, des experts expérimentés en conseil à ce type d’entreprises avec une expérience opérationnelle qui leur permet de parler le langage des dirigeants. Cependant nous veillons à faire tourner les consultants en s’assurant que Bpifrance ne représente pas plus de 30 % de leur charge, à la fois pour ne pas créer une situation de dépendance et pour permettre la poursuite de travail entre l’ETI et le consultant si le besoin ou désir se fait jour.
- Quels sont les sujets les plus demandés ou les préoccupations qui ressortent le plus ?
L’exercice imposé du diagnostic 360°, qui est la bonne approche de mise à plat, et l’appétit créé par le parcours de formation font que dans 70-80 % des cas nous faisons un module Stratégie.
Ensuite, en fonction des besoins qui ressortent du diagnostic, nous lançons – ou plutôt le dirigeant lance avec notre appui ! – des modules spot sur des sujets comme : module cash financiéro-opérationnel sur les stocks et les délais de paiement ; lean ; RGPD, marque employeur, efficacité commerciale ou opérationnelle, … On n’aborde que rarement la transformation numérique ex ante car il faut d’abord que la stratégie soit établie.
- Quel est le profil des ETI accélérées ? quelles sont les clés de succès de cette démarche ?
Les ETI sélectionnées sont avant tout des entreprises solides qui expriment une problématique globale et non des entreprises en situation de fragilité ou d’urgence à résoudre un problème spécifique et qui sont prêtes à s’engager sur ce programme, c’est-à-dire à dégager le temps nécessaire pour prendre le recul que nous leur proposons et aussi à sortir de leur isolement en échangeant sur ces problématiques avec leurs pairs. Elles sont sélectionnées – clients ou prospects - par le réseau Bpifrance, voire par nos partenaires dans le cas de promotions sectorielles ou régionales.
Les résultats dépassent nos espérances car en plus de l’apport de ce programme un grand bénéfice vient du réseau ainsi créé entre ETI. Mais si on en reste aux faits, en notant que notre profondeur statistique est limitée puisque les premières promotions de PME datent de 2015 et donc « sorties » en 2017 et que pour les ETI c’est 1 an plus tard (3 promos dont une seulement vient de se terminer) : la satisfaction exprimée tant pour le programme complet que pour les consultants est proche de 100% ; la croissance en moyenne est au rendez-vous avec 20-25% sur le CA, les effectifs, l’exportation … et si l’on se mesure aux entreprises dont le profil est comparable on note 5 à 10 % de surperformance !
Nous avons aussi pu constater des coopérations improbables, par exemple entre trois entreprises, l’une dans la boulonnerie, l’autre dans l’IOT et la troisième dans le middleware qui ont développé une offre sur des capteurs connectés. Enfin, il ne serait pas impossible que le rapprochement entre accélérés d’une même promotion débouche aussi sur des consolidations …
Guillaume Mortelier
linkedin.com/in/guillaume-mortelier-57453223
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