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L'intelligence artificielle au service des défis d'efficacité collective
L’intelligence artificielle, dont les exemples d’applications foisonnent, continue à fasciner et parfois à faire douter. Mais peut-on raisonnablement imaginer de remplacer les interventions humaines dans nos activités, jusque dans des prises de décisions pouvant avoir des conséquences critiques ? Et pour quels bénéfices réels ?
Afin d’éclairer ce débat nous pensons qu’il est essentiel de situer le potentiel de l’intelligence artificielle au regard des défis d’amélioration opérationnelle auxquels nos activités font face. Cette identification des avantages concrets pour l’efficacité collective doit structurer clairement cette démarche. C’est au travers de cet éclairage que l’intelligence artificielle pourra prendre tout son sens et apporter les avantages promis. C’est aussi au travers de cet éclairage que nous pourrons mettre en évidence les défis auxquels les développements d’intelligence artificielle font face.
Aujourd’hui, alors que la plupart de nos activités montent en échelle, en complexité et en exigences de qualité, avec des contraintes toujours plus exigeantes de coût et de délais, le principal enjeu d’efficacité collective c’est de rendre possible une intégration harmonieuse des opérations.
Que ce soit dans des activités de développements innovants, dans des activités de production, dans le déploiement d’infrastructures complexes, ou dans les opérations de services de transports, de santé ou de sécurité, l’intégration des opérations apporte des avantages significatifs en termes de performance des activités, notamment lorsque ces activités prennent une dimension multi disciplinaire, multi site ou internationale :
- Elle permet de réduire les temps d’attente et l’impact des modifications tardives dans les activités d’ingénierie.
- Elle ouvre la voie à un ajustement des flux d’activité à la demande, que ce soit en production ou dans l’opération de services, et elle permet un déploiement des ressources en cohérence avec des priorités partagées.
- Elle permet un ajustement en temps réel des activités ou des opérations en cas d’imprévus ou d’anomalies.
- Elle est nécessaire au développement de réponses systémiques à des problématiques complexes.
Plus encore que telle ou telle méthode ou outil porté par une mode, cette tendance à l’intégration des opérations est inévitable, car elle s’impose comme la seule réponse robuste à l’évolution des contraintes d’efficacité collective.
Dans ce contexte, l’utilisation de l’intelligence artificielle ne prendra en réalité tout son sens et tout son potentiel de valeur que si elle permet de faciliter clairement cette intégration des opérations.
La bonne nouvelle, c’est qu’elle peut le faire, pour autant que la démarche soit structurée autour de ce paradigme, puisque l’intégration des opérations nécessite avant tout :
- Un accès immédiat à toutes les informations opérationnelles (sur les besoins, les ressources, l’avancement, les obstacles, les anomalies) et la capacité à structurer ces informations de la manière la plus efficace possible.
- La capacité à identifier avec discernement les priorités des opérations intégrées et à les communiquer, et en particulier la possibilité de donner aux responsables opérationnels les moyens de jouer leur rôle d’arbitrage.
Dans cette logique, la collecte de l’information, la capacité à traiter cette masse d’information, mais aussi à l’interpréter, sont des éléments déterminants de succès. Ainsi, il est non seulement nécessaire de pouvoir localiser et connecter des objets (IoT internet des objets), et de pouvoir traiter de grandes quantités d’informations (Big Data), mais en réalité il est essentiel de pouvoir transformer efficacement ces informations en synthèses utilisables.
Précisément, l’intelligence artificielle a le potentiel pour réaliser un tri sophistiqué des informations et pour apporter aux décideurs des éléments pertinents, et ceci dans une variété de situations. Prenons quelques exemples :
- Apprendre à un robot à faire du tri sélectif de déchets sur une chaîne de traitement.
- Faire effectuer par un robot un contrôle visuel de qualité de production sur une chaîne d’assemblage.
- Identifier des sujets clés et des solutions à partir de questionnaires de satisfaction.
- Détecter des signes avant-coureurs d’anomalies dans le contexte d’une maintenance prédictive.
- Évaluer des risques majeurs sur un grand projet en interprétant des registres de risques ascendants.
- Construire un programme d’amélioration à partir de l’interprétation d’anomalies ou de dysfonctionnements.
- Évaluer des priorités de prise en charge de patients dans un système de soins.
- Évaluer des scénarios par des simulations à paramètres multiples (économie, santé, urbanisme, guerre, crise…).
Ces exemples, choisis dans une variété de domaines d’application, sont en fait conceptuellement voisins : devant un grand nombre d’informations, il s’agit de préparer et de mettre en œuvre des décisions qui nécessitent un discernement éclairé. Et ce type d’exemple pourrait se multiplier.
Gageons donc que la qualité du discernement sera un critère de réussite important auquel les systèmes experts devront satisfaire, et autour duquel ils se structurent d’ores et déjà. C’est bien en effet la qualité du discernement qui pourra ouvrir la voie à une autonomie de décision, comme c’est déjà le cas dans bien des domaines pour l’intelligence humaine.
Cette capacité à prendre des décisions autonomes devra bien entendu être mesurée en termes de risque de décision erronée, ainsi que de probabilité et de gravité associée, un peu comme le risque de fausse alarme d’un système de détection. La capacité à gérer des exceptions, des arbitrages et des recours sera dans certains cas un paramètre important.
Bien entendu ces exemples d’applications et de facteurs clés de succès de l’intelligence artificielle ne sont pas limitatifs, j’ai simplement souhaité illustrer ici leur contribution potentielle à l’amélioration opérationnelle, et en particulier à l’efficacité collective, et identifier des critères de performance critiques pour l’intelligence artificielle.
J’espère avoir ainsi stimulé votre réflexion.
Bien entendu, ce nouveau paradigme a des implications majeures sur nos modes d’organisation, c’est un autre sujet.
Philippe RUCEL
philippe.rucel@m4x.org
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