Les législateurs européens ont décidé, en conscience, de déclencher une véritable révolution au nom de la lutte contre le réchauffement climatique, de la santé publique et de la sécurité. En particulier, l’arrêt de production des véhicules thermiques et hybrides en 2035 puisqu’à cette date les émissions des véhicules neufs devront être nulles. Cela entraîne des ruptures technologiques, un chamboulement des chaînes de valeurs et des impacts sociaux en cascade, en un mot une évolution systémique qui nécessite des accompagnements politiques autant que techniques.
Submergée par les nouvelles réglementations…
L’inquiétude est à son comble dans l’univers automobile européen. La dernière livraison du mensuel de la Société des Ingénieurs de l’Automobile n’en fait pas mystère et titre « Flot de réglementation à venir, ‘Fit for 55’, technologies et compétences… Quelle voie pour l’industrie automobile ? »
En effet, outre les décisions ayant trait à la lutte contre le réchauffement climatique comme la réduction de 55% des émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990 (‘Fit for 55’), la série de nouvelles réglementations européennes applicables à l’automobile à brève échéance est impressionnante : contraintes renforcées sur la fiabilité des batteries pour 2023, règlement GSR2 imposant plusieurs systèmes de sécurité (freinage d’urgence automatisé, alerte franchissement involontaire de ligne, alerte somnolence, etc…), exigences de protection sévérisées en cas de collision et multiplication des essais de choc pour 2022 et 2024, norme Euro7 en 2027 (réduisant fortement les tolérances d’émission de polluants par les véhicules y compris les particules provenant de l’usure des freins), multiples normes sur les pneumatiques, interdiction de nombreux matériaux ou substances chimiques polluantes, passage à 35% du taux minimal de matériaux recyclés...
… l’automobile devient de plus en plus chère et de moins en moins accessible
Ces décisions touchent de plein fouet le cœur de l’activité de l’industrie automobile. La conception des véhicules va exiger de nouveaux arbitrages entre le surcroît de poids et de coût qui résulte de certaines réglementations et la nécessité de converger vers des objectifs d’allègement. En outre, le prix des énergies et celui de plusieurs matériaux stratégiques augmente fortement. Le prix des véhicules va ainsi augmenter de façon marquée et conduire beaucoup d’utilisateurs à se tourner d’une part vers de nouvelles formules d’usage partagé ou de nouveaux moyens de déplacement, et d’autre part vers le marché de l’occasion, où l’on constate déjà une tendance à la hausse des prix.
Que faudrait-il faire pour assurer un avenir durable à l’automobile ? Le Shift Project a émis des scenarios possibles dans un rapport qui vient lui aussi de paraître. Cela passe par un marché français réduit d’ici 2050 de 40% pour les véhicules personnels et de 20% pour les véhicules utilitaires légers.
Cette évolution sera facilitée par l’adhésion croissante des consommateurs aux valeurs écologiques. Le souci de durabilité réduira l’attrait du neuf et allongera la durée de vie des véhicules. Leur kilométrage total peut être doublé, voire triplé ou quadruplé par le remplacement de composants usés couplé à un entretien attentif. Le rétrofit de chaînes de traction électriques sur des véhicules thermiques, qui succédera à la vogue actuelle des kit éthanol E85, prolongera aussi la vie d’anciennes voitures.
La maîtrise de la chaine de valeur comme enjeu
Les conséquences sur les sociétés automobiles, leurs fournisseurs et leurs sous-traitants, la partie commerce, entretien et réparation de la filière mais aussi les sociétés pétrolières et de service peuvent paraître démesurées. Elles sont incalculables à ce stade. Mais le besoin de mobilité ne disparaît pas pour autant ! Ce sont autant d’opportunités à saisir pour participer à la transformation des mobilités qui va s’en suivre : vélo, vélo électrique, véhicules électriques, véhicules à hydrogène… Ces technologies trouveront leur place dans le nouvel écosystème de la mobilité qui va se créer sous nos yeux. Tout l’enjeu est d’en maîtriser la chaîne de valeur afin que l’économie française et européenne s’y retrouve en termes d’emploi.
Autre opportunité : le véhicule intelligent, et peut-être bientôt autonome. Voilà qui ouvre un champ de recherche immense et complexe, pour des développements industriels potentiellement très importants. Là également, il faudra maîtriser la chaîne de valeur à commencer par la brique élémentaire indispensable : les semi-conducteurs, un véritable match dans le match de la compétition internationale.
Un rôle clé des pouvoirs publics
L’accès à ces opportunités sera facilité par l’engagement des pouvoirs publics à tous niveaux : plans de développement régionaux, soutien à la R&D et aux industriels, choix d’investissement publics dans les infrastructures… Une prise de risque raisonnée des acteurs économiques leur permettra alors de trouver leur place dans cet univers de la mobilité à la fois plus durable et plus technologique qui se réinvente en ce moment. L’action publique devra aussi accompagner - par l’incitation, la règle et la pédagogie - l’évolution des comportements individuels vers des choix qui reflètent le vrai coût de la mobilité dans un monde aux ressources limitées. Il s’agit bien d’une question systémique qui nécessite la coopération de tous les acteurs, coordonnée par les pouvoirs publics.
Un accompagnement par des professionnels engagés
Accompagner les transformations, faciliter les transitions sur le plan technique et humain, doper les capacités de développement des start-ups et autres entreprises de technologie, aider les acteurs publics à créer les conditions pour faire évoluer les comportements et refonder la chaine de valeur de la mobilité … voilà de nombreux domaines dans lesquels les compétences des consultants indépendants d’XMP-Consult peuvent apporter une forte valeur ajoutée, dans ce contexte mouvant et complexe de révolution des usages et des technologies de la mobilité.
Antoine Jaulmes & Damien Ribon